Le BIM en France
Introduction
En pleine période de transformation technologique, le secteur de la construction, à l’instar d’autres secteurs (tels que l’aéronautique et l’automobile), connaît sa propre révolution numérique. La modélisation numérique, la réalité virtuelle (RV), l’internet des objets (IoT), l’intelligence artificielle (IA) et une foule d’autres applications et innovations remodèlent progressivement les outils et les processus de la construction.
Lorsque l’on parle d’innovation dans le secteur de la construction, une tendance mondiale très nette se dessine : l’adoption du BIM. Diverses parties prenantes du secteur adoptent rapidement le BIM comme outil stratégique pour réaliser des économies, améliorer l’efficacité opérationnelle, élever la qualité de l’infrastructure et maximiser la durabilité environnementale.
Différents niveaux d’adoption du BIM
Cependant, la mise en œuvre du BIM n’est pas un processus ponctuel et il existe de multiples niveaux d’adoption du BIM dans différents pays, chaque niveau représentant une certaine combinaison de caractéristiques du BIM.
Il existe actuellement quatre niveaux du BIM, souvent appelés « niveaux de maturité du BIM », qui correspondent à différents stades de collaboration et de partage d’informations dans un projet de construction.
- BIM niveau 0 : la collaboration entre les parties prenantes est minimale à ce niveau.
- BIM niveau 1 : la collaboration est partielle. Les participants au projet utilisent un environnement de données communes (CDE) pour échanger des informations de CAO, en formats 2D et 3D.
- BIM niveau 2 : la collaboration est complète. Diverses parties prenantes travaillent de manière coordonnée, chacune créant son propre modèle 3D. Les modèles 2D ne sont plus utilisés. Tous les modèles sont ensuite exportés dans un format de fichier commun (tel que IFC ou COBie) et intégrés dans un modèle unique ou fédéré.
- BIM niveau 3 : il s’agit de l’objectif ultime pour le secteur de la construction. Dans ce scénario, les différentes parties prenantes utilisent un modèle commun partagé et basé sur le cloud, avec la possibilité de modifier et de compléter les informations. Cela signifie que toutes les parties ont accès aux mêmes informations. Le niveau 3 du BIM est encore en phase expérimentale et n’est testé que par quelques entreprises sélectionnées dans le monde.
Où en sont les pays en matière d’adoption du BIM ?
Maintenant que nous savons que le BIM comporte plusieurs niveaux de mise en œuvre, nous pouvons passer à des exemples concrets de pays ayant adopté un certain niveau de BIM. Une étude de PlanRadar a présenté sept exemples différents de pays en Europe et leurs taux d’adoption du BIM.
Les pays concernés sont la Pologne, la France, l’Autriche, le Royaume-Uni, l’Allemagne, la Croatie et la Russie. L’étude en question montre que le Royaume-Uni et l’Allemagne sont les exemples les plus avancés, l’adoption du BIM de niveau 2 étant la plus répandue dans le pays, tandis que la Pologne, l’Autriche et la Russie en sont pour la plupart au BIM de niveau 1 à ce stade, la Croatie étant le seul pays de la liste à avoir un niveau 0 de maturité BIM.
La position de la France dans cette liste est en revanche un peu moins précise, et c’est ce que nous allons voir ci-dessous.
Le BIM en France
Le niveau de maturité BIM le plus courant pour les entreprises de construction françaises est le niveau 2. Toutefois, le pourcentage d’entreprises de construction qui utilisent le BIM dans ce pays est bien inférieur à celui du Royaume-Uni et de l’Allemagne (pays qui ont également atteint le niveau 2 de maturité BIM) : avec seulement 35 % des entreprises du secteur immobilier utilisant le BIM, et de 50 à 60 % des entreprises de construction utilisant le BIM dans son ensemble.
L’une des principales raisons est la façon dont la France a adopté le BIM : le pays en question était l’un des moins bien préparés lorsque le premier baromètre sur l’adoption du BIM a été réalisé en 2013. Le paysage a beaucoup évolué depuis, et le niveau d’adoption du BIM en France se situe aujourd’hui en troisième position, juste derrière le Royaume-Uni ou l’Allemagne.
La France a fait beaucoup au cours des dernières années pour améliorer ses taux d’adoption du BIM, bien qu’il n’y ait toujours pas d’obligation formelle d’utiliser le BIM pour certaines entreprises de construction. En d’autres termes, il n’existe pas de cadre juridique bien défini pour l’utilisation du BIM, et aucune loi n’impose son utilisation au moment de la rédaction de ce document.
Les professionnels de la construction français estiment généralement que les réglementations légales existantes sont suffisantes pour régir la majorité des projets BIM. Ils considèrent que l’absence d’un cadre juridique clairement établi n’entrave pas la progression du BIM. Au lieu de cela, ils ont pris l’initiative d’établir leur propre cadre contractuel adapté aux besoins de l’industrie de la construction et à la transformation numérique en cours dans le secteur. Cette approche les aide à atténuer les risques juridiques liés à l’utilisation du BIM.
Les exigences légales du BIM en France
Le cadre contractuel du BIM englobe divers contrats impliquant différentes parties prenantes dans le processus de construction. Ces contrats sont accompagnés de plusieurs documents clés, notamment :
- Spécifications BIM : ces documents décrivent les exigences et les objectifs des différentes parties impliquées dans le projet de construction.
- Charte BIM : ce document décrit la stratégie BIM adoptée par les parties prenantes, en fixant des objectifs et en traduisant les exigences du propriétaire du projet.
- Convention BIM : elle comprend le protocole BIM et le plan d’exécution BIM. De portée quasi contractuelle, elle définit le processus d’information (couvrant la production, les échanges et la gestion) tout au long du projet. Elle aborde également les annotations relatives aux droits de propriété et d’utilisation, ainsi que les rôles et responsabilités de chaque participant à l’opération BIM.
Pour qu’un modèle numérique BIM réponde aux attentes du client, il est crucial que tous ces documents soient correctement préparés et respectés.
Outre les trois documents essentiels mentionnés plus haut, qui sont déterminants pour la réussite de tout projet BIM, un autre type de contrat essentiel doit faire l’objet d’une attention particulière : le contrat de licence du logiciel BIM (par exemple, Revit, ArchiCAD, Digital Project, etc.) utilisé dans le cadre du projet.
Un accent particulier doit être mis sur la responsabilité juridique de l’éditeur du logiciel en cas de dysfonctionnement du logiciel pouvant entraîner une perte de données ou même des dommages à la construction nouvellement construite.
Ainsi, de nombreux documents sont encore nécessaires pour que le BIM soit utilisé dans un projet de construction, même s’il n’est pas mandaté par le gouvernement lui-même. Pourtant, certaines des mesures prises au cours des dix dernières années ont rendu le BIM en France encore plus populaire et plus couramment utilisé.
Comment la France soutient-elle l’adoption du BIM ?
Jusqu’en 2013-2014, la France était en retard par rapport à de nombreux pays européens dans l’adoption du bâti immobilier modélisé (BIM). Toutefois, la tendance s’est sensiblement modifiée depuis 2015, la France manifestant un intérêt croissant pour le BIM. L’étude précitée de PlanRadar montre que le BIM fait désormais partie intégrante de plus de 30 % des projets immobiliers dans le pays.
Ce regain d’enthousiasme peut être attribué à la reconnaissance par le gouvernement français des avantages potentiels du BIM. Le gouvernement encourage activement les entreprises du secteur de la construction à adopter le BIM, s’alignant ainsi sur l’accent mis sur la transition écologique. Le BIM est considéré comme un outil permettant de réduire les coûts et de promouvoir une construction de bâtiments respectueux de l’environnement. En particulier, les bailleurs sociaux et les organisations affiliées à l’État sont parmi les plus fervents partisans du BIM.
Il y a une raison assez importante pour laquelle la France s’est soudainement montrée si intéressée par l’adoption du BIM. Depuis quelques années, la France s’emploie activement à rattraper son retard en matière de transition énergétique, notamment dans le secteur de la construction. L’évolution des technologies numériques et des outils informatiques a facilité la mise en place de pratiques de construction respectueuses de l’environnement. La modélisation des informations sur les bâtiments est devenue un outil essentiel dans ce contexte, et son adoption s’est considérablement accrue.
Le BIM permet aux entreprises de construction de répondre plus efficacement aux préoccupations environnementales et écologiques. Il leur permet par exemple d’anticiper et de gérer la consommation d’énergie des futurs projets. Ceci est d’autant plus crucial que la construction d’un bâtiment a un impact direct sur les habitudes de ses futurs occupants. Le modèle numérique du BIM aide à planifier divers aspects critiques d’une conception de haute qualité, notamment la sélection du site, la conception architecturale, la taille des fenêtres et l’isolation structurelle, entre autres.
Dans l’ensemble, le BIM est un atout substantiel pour les acteurs de la construction, car il favorise la construction de bâtiments plus efficace et plus respectueuse de l’environnement. Il permet de réduire le gaspillage des ressources et des matériaux pendant la construction, contribuant ainsi à la durabilité et à atteindre les objectifs écologiques.
Malgré la nette progression du BIM sur le marché de la construction, le gouvernement français n’a pas encore imposé de législation spécifique rendant son utilisation obligatoire. Cela signifie que les acteurs de la construction des secteurs privé et public sont libres de décider d’intégrer ou non ce processus numérique dans leurs activités.
Les incitations à l’utilisation du BIM sont toutefois assez nombreuses. Par exemple, le fameux plan BIM 2022 était censé remplacer le PTNB (Plan Transition Numérique dans le Bâtiment) et stimuler la mise en œuvre du BIM dans tous les domaines.
Le plan BIM 2022
L’objectif du plan BIM 2022 est de faciliter la numérisation complète de l’information, en veillant à ce que cette transition ne génère pas seulement de la richesse, mais mette également cette richesse à la disposition de tous les acteurs de l’écosystème industriel national, en partageant ses bénéfices de manière générale. Plusieurs défis importants doivent être relevés, qui englobent des aspects liés à l’économie, au mode de vie et à la transition énergétique. Pour lancer les initiatives nécessaires, un financement de dix millions d’euros a été mis à disposition.
Le plan BIM 2022 repose sur deux principaux piliers. Le premier tourne autour de l’adoption généralisée du BIM dans tous les projets de construction de l’ensemble du secteur. Il s’agit de renforcer la fiabilité des pratiques établies et d’instaurer des normes précises et équitables pour les rôles, les attentes et les responsabilités de toutes les parties prenantes, afin de renforcer la sécurité globale.
Le deuxième aspect du plan est axé sur l’introduction de procédures BIM dans toutes les régions et sur l’offre d’une assistance à la formation à tous les professionnels du secteur. Dans la poursuite de cet objectif, le plan s’efforce de mettre en place un écosystème innovant d’outils numériques conviviaux, permettant à chaque opération de construction d’être exécutée entièrement sous forme numérique.
Le plan lui-même est très complexe, comprenant de multiples parties et actions, et même des vitrines d’utilisation du BIM sur des projets réels : un ensemble de projets BIM qui ont été sélectionnés parmi un certain nombre de candidats l’année dernière. Les lauréats ont reçu des fonds suffisants pour permettre la mise en œuvre complète du BIM dans leurs propres flux de travail, ainsi que les éventuels frais de formation.
Cependant, le potentiel de développement de la modélisation des données du bâtiment en France n’a pas encore été pleinement exploité. Selon les données du PTNB, le taux d’adoption du BIM progresse à un rythme relativement lent. L’attention se porte désormais sur les architectes, les bureaux d’études indépendants et les petites et moyennes entreprises (TPE-PME) du secteur de la construction, car ces entités ont tardé à adopter les pratiques du BIM.
L’avenir du BIM en France
Grâce aux efforts du PTNB, il est de plus en plus probable que le BIM gagne en importance sur le marché français de la construction. Alors que l’industrie vise à promouvoir la transition vers des pratiques de construction durable et économe en énergie, la modélisation des données du bâtiment est susceptible de devenir un outil essentiel pour tous les acteurs de la construction. Cette montée en puissance du BIM pourrait conduire à l’émergence de nouveaux métiers dédiés à la maîtrise du modèle numérique 3D.
Compte tenu des préoccupations écologiques et économiques pressantes, les entreprises privées et publiques seront fortement incitées à adopter plus largement cette approche de modélisation. En outre, l’introduction de diverses réglementations prévues à l’avenir renforcera encore l’influence du BIM, en impactant diverses parties prenantes, notamment les propriétaires du projet, les architectes, les ingénieurs, les entrepreneurs et les fabricants de matériaux.
Le BIM du futur devrait être plus interconnecté que jamais. Cette connectivité accrue peut être obtenue grâce à l’intégration avec la technologie cloud, ce qui élargit considérablement les possibilités de modélisation. Cette expansion pourrait conduire à l’utilisation de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée dans les processus de construction.